Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Sommes-nous propriétaires ou gérants de nos biens ?

Après quatre années de mariage nous avons eu la chance d'acquérir un vieux corps de ferme délabré avec un grand terrain de 60 m sur 14 m. Au fil des ans le domicile s'est considérablement amélioré, d'où de nombreux crédits encore en cours, sans être luxueux pour autant. Le terrain, discipliné et embelli, a été partagé entre potager et pelouses avec un beau chalet en bois sous les ombrages d'un sorbier. Enchantée, ma petite-fille l'avait baptisé ''la maison de Heidi''. Hélas, depuis le décès de mon épouse, le potager et les allées des pelouses sont tombés en friche faute de temps et d'énergie pour les entretenir convenablement. Cet état de fait me désolait car, si j'étais bel et bien propriétaire de ce bien, je m'en sentais surtout le gérant responsable, l'intendant devant en rendre compte. Ma foi n'était pas étrangère à ce sentiment. Fort heureusement, depuis deux mois, une amie férue de jardinage et cherchant un appoint financier l'a pris en charge et il commence maintenant à retrouver figure humaine, si l'on peut dire. Quelle place cette préoccupation, ainsi que mon rapport à l'argent et plus généralement à toute propriété, tient-elle dans ma conception religieuse du monde pour que je sois amené à en rendre compte aujourd'hui dans ce blog ?

Au tout début de la bible dans le livre de la Genèse au chapitre 1 verset 26, il est écrit : « Dieu créa les hommes de sorte qu’ils soient son image, oui, il les créa de sorte qu’ils soient l’image de Dieu. Il les créa homme et femme. Il les bénit en disant: Soyez féconds, multipliez-vous, remplissez la terre, rendez-vous en maîtres (soumettez-la, disent certaines traductions). Dominez les poissons des mers, les oiseaux du ciel et tous les reptiles et les insectes. Et Dieu dit : Voici, je vous donne, pour vous en nourrir, toute plante portant sa semence partout sur la terre, et tous les arbres fruitiers portant leur semence. Je donne aussi à tout animal de la terre, aux oiseaux du ciel, à tout animal qui se meut à ras de terre, et à tout être vivant, toute plante verte pour qu’ils s’en nourrissent. Et ce fut ainsi. » Effectivement il en fut ainsi, pour une vie meilleure sous certains aspects, mais hélas dans un non-respect fatal pour notre environnement avec les conséquences que l'on connaît de nos jours, le pillage effréné des ressources de la planète mettant en danger sa survie, et la nôtre par voie de conséquence. Il est à noter par ailleurs que ce texte semble jeter les bases d'une alimentation végane, mais tel n'est pas ici mon propos.

Nous avons rempli la terre, certes. Nous pensons l'avoir soumise et c'est vrai dans une certaine mesure, mais nous ne l'avons pas domptée, comme un animal blessé elle se retourne contre nous depuis peu et se venge à sa manière. Nous étions censés poursuivre le bel ouvrage de création décrit dans le livre de la Genèse, mais, nous prenant pour des démiurges, nous avons bouleversé l'ordre naturel des choses au risque de léguer à nos enfants une planète déréglée où il leur faudra bien vivre en la réparant dans la mesure du possible. Je pense à mes petits-enfants de 14 et 2 ans et la dernière petite-fille à naître dans un mois. Nous étions intendants de notre terre nourricière et nous avons agi comme des héritiers écervelés qui ont dilapidé le bien qui leur avait été confié. ''Soumettez-la'' ne voulait pas dire ''faites-en ce que bon vous semblera, moi je m'en lave les mains'' mais plutôt ''poursuivez mon œuvre, je vous la confie''.

Il convient de se pencher sur les questions du respect de l'environnement et d'une écologie responsable où les convictions civiques et religieuses se rejoignent dans le concret. Je le ferai tantôt, à mon humble niveau n'étant pas un théologien à proprement parler. En attendant je suis conscient que cette directive du Créateur génère en moi un certain sentiment de culpabilité devant mon terrain en friche de même qu'elle induit mon rapport à l'argent, qui étonne souvent les miens où des amis avec qui l'ai eu l'occasion d'échanger à ce sujet.

Une nature en friche cela vous a pourtant une certaine allure, une beauté sauvage, une luxuriance étonnante. Il n'est que de voir l'état de mon terrain quand je n'y ai pas travaillé pendant deux ou trois ans. Cependant quand ce terrain en côtoie d'autres et leur partage généreusement ses ronces envahissantes, son lierre et ses graines de chardon et de pissenlit, cela peut incommoder sérieusement le voisinage. Il m'est arrivé d'encourir des remontrances à ce propos. Intendant des biens que je ''possède'', j'en suis responsable aux yeux des autres. Dans ma conception de la foi je m'en sens aussi responsable aux yeux de Dieu. Rendre mon terrain plus beau et plus harmonieux est une prière de louange en acte. En ce sens je ne me considère pas tout à fait comme propriétaire de mes biens mais aussi et surtout comme leur gérant pour le service d'autrui.

C'est aussi ce qui motive mon rapport à l'argent. Que dit l'évangile à ce sujet ? « Voyez ces oiseaux qui volent dans le ciel, ils ne sèment ni ne moissonnent, ils n’amassent pas de provisions dans des greniers, et votre Père céleste les nourrit. N’avez-vous pas bien plus de valeur qu’eux ? » (évangile de Matthieu au chapitre 6 verset 26) Evidemment c'est une image, mais elle porte un enseignement. Comme tout père de famille responsable j'ai travaillé jusqu'à ma retraite pour subvenir aux besoins des miens. Je ne suis pas tourné les pouces en attendant que la manne ne me tombe du ciel. Cependant, ma femme et moi, nous n'avons jamais couru après l'argent comme le financier de la fable, acceptant au contraire de vivre chichement à l'image du savetier de cette même fable, Plus d'une fois nous avons été inquiets lors de fins de mois difficiles, sans toutefois que ces soucis pécuniaires n'impactent durablement l'harmonie de notre foyer et ne nous empêchent de tendre la main à plus nécessiteux que nous.

Ce qui fait qu'à ce jour, je n'ai aucune réserve, aucune économie, mais par contre d'importants crédits à rembourser pour deux années encore. Mais je m'en sors. Je bénéficie d'une retraite suffisante malgré mes quinze années passées au service de l'Eglise. Il m'est arrivé régulièrement de consentir des prêts à de plus nécessiteux que moi pour leur permettre de faire face à des urgences, sans intérêts bien entendu, allant jusqu'à demander des rallonges de crédits permanents pour venir en aide à d'autres. Était-ce bien raisonnable ? aurait-on pu m'objecter, certainement pas, mais le cœur a ses raisons... Cependant depuis mes 80 printemps cette possibilité m'est désormais interdite. Cela ne m'empêche pas de consentir encore de modestes prêts à court terme pour aider une famille dans des passes difficiles. Dans ma philosophie de la vie, l'argent est fait pour servir, non pour être thésaurisé. L'argent est fait pour l'homme et non l'homme pour l'argent.

C'est ainsi que ma foi guide mon comportement vis à vis des biens de quelque nature que ce soit, matériels comme intellectuels. De tout ce que je possède, de tout ce qui m'a été donné, je ne suis pas vraiment propriétaire pour mon bien-être personnel, mais gérant au service d'autrui. C'est pourquoi je me dois d'en prendre soin, de bien le gérer, de cultiver mon terrain et de me cultiver moi-même. Cela me vient de ma foi chrétienne, mais il ne s'agit pas d'un monopole. Cela peut tout aussi bien se vivre au nom d'une fraternité universelle et d'un humanisme généreux, et j'en connais qui le vivent ainsi.

 

 

 

 

Les commentaires sont fermés.